« Ecouter la rengaineuh, des elfeuhs qui saigneuh, mes amours sont vaineuhs »
Elle revenait souvent près de cette rivière pour aller surveiller les vers à soie qui avaient élu domicile près de la grande mare des moustiques suceurs de bêtes de nez de gorilles enchantés.
Du bout des ailes, elle effleurait l’air et chantonnait le grand drame de sa vie d’un air aussi guilleret que si elle était tombée tête la première dans une barrique d’absinthe.
Entièrement vêtue de soie sauvage légèrement bleutée et transparente laissant voir ses chaleureuses petites formes, elle voletait et dessus des feuilles et dansait parfois avec quelques papillons.
Après la pluie, les rayons d’hélio traversaient toujours le feuillage pour disperser sa lumière blanche au travers des grosses gouttes qui menaçaient de tomber au sol humide. C’était toujours aussi beau d’ailleurs, Moucheronne aimait cette vision de pureté qu’offrait ce temps [qui aurait pût lui rappeler la fin d’un célèbre poème de Rimbaud nommé les Ponts]. Elle prenait un réel plaisir à sentir dans ses narines s’engouffrer les douces fragrances de la terre humide et des escargots qui faisaient leur apparition sous les feuilles morte à la recherche d’un truc à sucer.
Ses cheveux détachés voletaient derrière elle grâce à la vitesse qu’elle prenait puis retombaient devant son visage lorsqu’elle faisait une pirouette en esquivant un insecte. Arrivée à bon port, elle se posa sur un roseau courbé et remonta sa cascade de cheveux en un grossier chignon haut à l’aide de son épine de sapin d’où pendaient quelques mèches avant de se dévêtir à moitié ne laissant qu’un mince filet de soie blanche et de s’assoire sur un nénuphar où avait élu logis, une petite grenouille.
Ainsi assise au bord de la large feuille ronde, les pieds dans l’eau jusqu’au genoux, elle continuait toujours de chanter… sa bouche seule témoin de son visage absent.